Delphine de Vigan, dans son 6ème livre évoque ouvertement sa mère dont la mort, en 2008, à l’âge de 61 ans, l’a incitée à écrire sur elle. Pas tout de suite, certes. Mais finalement en profondeur. Convoquant les témoignages des uns et des autres, collectant les documents et les photos, les traces de toutes sortes, Delphine de Vigan retrace en détail la destinée de cette jolie Lucile, née en 1946, troisième enfant d’une fratrie de neuf – dont trois mourront en bas âge. Dans cette enquête poignante au coeur de la mémoire familiale, la romancière fait resurgir les souvenirs les plus lumineux comme les secrets les plus enfouis. Un récit sensible et fascinant, qui fait écho aux blessures de chacun…
Le Mot de l’éditeur :
« La douleur de Lucile, ma mère, a fait partie de notre enfance et plus tard de notre vie d’adulte, la douleur de Lucile sans doute nous constitue, ma sœur et moi, mais toute tentative d’explication est vouée à l’échec. L’écriture n’y peut rien, tout au plus me permet-elle de poser les questions et d’interroger la mémoire. La famille de Lucile, la nôtre par conséquent, a suscité tout au long de son histoire de nombreux hypothèses et commentaires. Les gens que j’ai croisés au cours de mes recherches parlent de fascination ; je l’ai souvent entendu dire dans mon enfance. Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l’écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd’hui je sais aussi qu’elle illustre, comme tant d’autres familles, le pouvoir de destruction du Verbe, et celui du silence. Le livre, peut-être, ne serait rien d’autre que ça, le récit de cette quête, contiendrait en lui-même sa propre genèse, ses errances narratives, ses tentatives inachevées. Mais il serait cet élan, de moi vers elle, hésitant et inabouti. » Dans cette enquête éblouissante au cœur de la mémoire familiale, où les souvenirs les plus lumineux côtoient les secrets les plus enfouis, ce sont toutes nos vies, nos failles et nos propres blessures que Delphine de Vigan déroule avec force.
“Rien ne s’oppose à la nuit” :
joli titre inspiré de la chanson de Bashung Osez Joséphine.
« Osez, osez Joséphine
Plus rien ne s’oppose à la nuit
Rien ne justifie »
Mon avis
Rien ne s’oppose à la nuit | Delphine de Vigan
On dit que les parents structurent leurs enfants, qu’ils en sont “la colonne vertébrale”.. Comment se construire sans eux OU contre eux ? Et lorsque tout déraille, lorsque les choses ne se passent pas dans la famille comme cela devrait être… Que faire ? On ne peux ni affronter, ni se sauver, alors on se tait. On cris en dedans mais on se tait au dehors, tout est une question de survie car toute la famille est concernée, l’individu est alors nié.
Je dis cela avec mon vécu, à la mesure de ma famille bien sur, aucune famille ne se ressemble, ou presque….
Ce sentiment d’être exclue de la famille, ce sentiment commun à Lucile et à l’auteure face à leurs meres respectives, toutes deux lointaines et proches à la fois… Une maman qui ferme les yeux sur des choses inaceptables, nier lui permet d’ignorer de garder tout dans l’état… L’amour de soi est dur à construire dans ce cas là… S’aimer ! Dur lorsque l’amour et la considération de l’individu n’a pas/peu existé au sein de la famille… Une famille où l’individu n’a pas sa place > une révolte est inévitable pour une forte personnalité.
Lorsqu’un enfant comprends, ressens qu’il y a de l’injustice, qu’il est différent et qu’il n’a pas sa place en tant qu’individu complexe dans la communauté qui est censée le construire, qu’il est incompris et non respecté, les autres ne le comprenant pas, cet individu est hors cercle, il ne veux pas de LA place qu’on lui donne, il veut SA place. Chose impossible…
L’auteure a un courage et une audace folle, eh oui elle joue les “emmerdeuses” comme elle le dit si bien, à fouiller dans le passé des membres de sa famille, quitte à se les mettre à dos… C’est poignant, émouvant… Torturé ! C’est pleins d’intelligence, de sensibilité et de pudeur. Vouloir comprendre ses parents, n’est ce pas une folie quelque part ?!? Se comprennent-ils eux-mêmes ? Trop d’incompréhensions, de non dits tuent LA vérité, mais est ce qu’il y a UNE vérité ?
L’auteure à plusieurs reprises émet des regrets, regrets de n’avoir pas été assez attentive, de ne pas avoir été là quand il aurait fallut l’être… Cette envie que tout soit parfait, limpide, de faire les choses comme il faudrait les faire et ce désarroi quand tout échappe au controle… L’auteur partage ce trait de caractère avec Lucile, Lucile observatrice de la vie et juge impitoyable pour elle-même et les autres… Je comprends cela car je suis très dure avec moi même, c’est un long tavail que de lacher prise…
J’ai l’impression de m’être engagée sur un terrain glissant en écrivant cette chronique, je m’en excuse… L’auteure en a fait de même mais avec bien plus de classe.
Bien sur il y a plusieurs lectures, plusieurs points que vous pouvez retenir ou pas… Selon votre sensibilité, votre vécu. Espoirs, incompréhension, regrets, abîmes, folie, amour, pertes… Et pourtant que de partage dans cette grande famille… mais que de non-dits !
Pensée à l’une de mes meilleures amies : F.
J’ai beaucoup pensé à elle en lisant ce livre. Mon amie a beaucoup de points communs avec Lucile, cela au niveau pathologique et parcours. Par pudeur et respect, je n’en dirais pas plus.
Ce livre est très agréable à lire, j’aime le style de Delphine de Vigan. Un livre courageux.